‘Le premier Coolblue des stations-service a énormément à gagner’
Quelles sont les attentes futures du client qui s’arrête dans une station-service ? Et quels sont les choix que sont censés prendre les exploitants ? C’est à cette question qu’a tenté de répondre le conférencier et écrivain Steven van Belleghem à l’occasion de l’Evénement Carburant organisé par BigBrother le 22 mars 2018 à Ede. Son dernier livre vient de paraître : Customers the day after tommorrow (N.d.T. Les consommateurs d’après-demain). Cette année, Steven était l’invité d’honneur de l’Evénement Carburant. Voici un extrait de son interview.
La prise de carburant reste inchangée depuis 23 ans
En ce qui concerne l’expérience, le vécu du client, il reste de gros progrès à faire dans le secteur des carburants et du car-wash, constate Steven. « J’ai fait mon premier plein il y a 23 ans. Et mon prochain plein ne diffèrera en rien du premier. Rien n’a changé. Inimaginable, non ? »
Je suis pressé !
Steven explique comment il vit chacun de ses passages à la pompe : « Je suis pressé ! Et j’ai faim. J’achète, contraint et forcé, un petit pain préemballé, car en dehors des heures de bureau, on ne trouve quasi plus de sandwichs ‘faits minute’. Je me rends à la caisse. Devant moi, un client a besoin d’aide. Ça dure une éternité, mais personne n’a l’idée d’ouvrir une deuxième caisse. Je mange mon sandwich à une table haute, avec poubelle intégrée sous le nez. Et je repars passablement énervé ! »
La pause-carburant idéale
Pour Steven, un arrêt dans une station-service devrait idéalement ressembler à ceci : « Depuis ma voiture, je précommande un sandwich frais. Ma voiture et moi sommes identifiés dès que je pénètre sur l’aire de la station. On me salue : ‘Bonjour monsieur van Belleghem. Voici votre petit pain, fraîchement préparé.’ Si j’ai le temps, je m’installe à une sympathique petite table pour le manger à mon aise. Et je repars serein. Le paiement s’est fait automatiquement, aussi bien pour le carburant que pour mon achat dans le magasin. »
Ça fonctionne pourtant bien maintenant ?
L’expérience idéale décrite par Steven n’a rien d’extrêmement futuriste. Quand deviendra-t-elle réalité ? « Très bientôt, j’espère … mais je n’y crois que moyennement. La branche est embourbée dans the shit of yesterday. Le sentiment d’urgence est insuffisant. Et la réponse est classique : ‘Pourquoi changer ? Ça fonctionne bien comme ça, non ? »
Réveil douloureux pour le commerce de détail alimentaire
Cette attitude attentiste, voire passéiste, peut avoir des conséquences funestes, comme en témoigne l’exemple du commerce alimentaire aux Etats-Unis. « Le secteur du détail alimentaire américain pensait échapper à la déferlante de l’e-commerce. Jusqu’à ce qu’Amazon lance un service de courses en ligne et rachète Wholefoods en juin 2017, une chaîne de supermarchés premium. Depuis, tout le secteur a piqué du nez et les prix ont chuté de 30 à 40 % aux Etats-Unis. » Les chaînes de supermarchés européennes ont également perdu des parts de marché. Et préparons-nous à ce qu’Amazon envahisse bientôt ce marché en Europe.
Le futur, c’est maintenant !
Bref, il y a pas mal de choses à changer. Et pas seulement par crainte de scénarios catastrophe, mais surtout par envie de profiter des opportunités. Dans son dernier livre Customers the day after tomorrow, Steven explique comment anticiper les besoins du client de demain et comment performer en tant que chef d’entreprise. « C’est ma façon d’inviter le lecteur à rêver de son ‘futur’ et d’en faire son ‘présent’. »
Rêvez et expérimentez !
Voici, en trois étapes, de quoi il retourne dans le secteur des stations-service.
- Mettez-vous à la place de Jeff Bezos (le grand patron d’Amazon). S’il devait construire une station-service, à quoi ressemblerait-elle ?
- Quels sont les points à développer aujourd’hui ?
- Expérimentez : dressez le top trois des innovations et commencez par des pilotes.
Le client est votre ‘étoile du berger’
“Limitez-vous aux choses qui ont un impact sur le client.” C’est ce que recommande Van Belleghem. “Laissez-vous guider par lui, pas par la technologie. En cours de route, un client est d’office pressé. Votre obsession sera donc de lui faire gagner du temps. Réduisez les délais à la pompe et à la caisse, en favorisant les paiements automatiques, par exemple. Et surprenez le client par votre souci du service.”
Inspirez-vous de McDonald’s
Le secteur du carburant et du car-wash a beaucoup à apprendre du commerce de détail. Van Belleghem donne un exemple : “Je suis personnellement impressionné par la façon dont McDonald’s a réussi – malgré le succès des procédures traditionnelles – à innover sur le plan de la commande, avec le ‘service à table’.”
E-delivery
Le conférencier se dit aussi frappé par la manière dont McDonald’s réussit à personnaliser l’expérience personnelle. “Si je leur indique en Belgique que je n’aime pas le fromage, je n’ai pas besoin de le répéter quand je me rends dans un McDo à Copenhague, par exemple. La société a en outre lancé un projet d’e-delivery, en collaboration avec Uber, afin de répondre toujours mieux aux besoins grandissants de la clientèle en matière de service. L’initiative a rencontré un succès immédiat, avec une croissance de 20 à 30 % à la clé.”
Gestion de données
Un tel niveau de personnalisation et de service passe évidemment par la gestion de toute une série de données. Dans le cas d’une station-service, ces données englobent le délai depuis le dernier passage au car-wash, les préférences du client en matière de sandwich, le numéro de pompe où il vient de faire le plein … Pour illustrer l’importance de ces données, Van Belleghem ajoute : “La complexité de la concurrence augmente. Les Unique Selling Points (USP) sont en train de disparaître, puisqu’on les trouve partout. La seule manière d’encore améliorer votre service, c’est la personnalisation.”
Dans quoi investir ?
Dans (la personnalisation de) vos procédures client ? Dans les innovations dans le domaine des carburants ? Ou dans l’avenir de la voiture électrique ? Quels sont les conseils avisés que Van Belleghem peut encore apporter à la branche ? “Investissez prioritairement dans la satisfaction du client. Sans oublier de suivre de près les évolutions chez les grands constructeurs automobiles, sous peine de rater le train en marche. Le client n’est pas encore pleinement convaincu par la conduite électrique, mais je pense que les derniers écueils seront bientôt résolus. Il suffit de voir l’énergie et les efforts consentis par BMW et Mercedes en faveur de la voiture électrique.”
Scheiwijk reste numéro 1
Scheiwijk est-elle toujours la station-service néerlandaise préférée de Van Belleghem ? “Absolument. Ça me rappelle d’ailleurs une belle histoire. Il y a peu, je roulais en direction d’Utrecht. Il était tard et j’avais un petit creux, mais je n’avais vraiment pas envie d’un de ces en-cas préemballés. Heureusement, je suis tombé sur une station Scheiwijk ! Et une fois de plus, j’ai été comblé. Comme à Gorinchem, j’ai eu droit à un savoureux sandwich préparé ‘minute’ et à des collaborateurs particulièrement agréables. Malgré l’heure tardive !”