Plus question d’être à la traîne
Le monde du détail évolue à un rythme effréné. Le principal moteur de ce changement, c’est le consommateur qui se montre de plus en plus exigeant en matière de service. Aussi bien en ligne que (provisoirement encore) hors ligne, dans le point de vente physique. Cate Trotter, responsable Tendances chez Insider Trends, nous expose ce que cela implique pour l’avenir des détaillants.
Développements techniques pour soutenir la croissance
Cate Trotter a récemment participé à l’événement Retail Safari à Amsterdam. Interrogée sur la différence entre les détaillants néerlandais et ceux de son pays, la Grande-Bretagne, elle constate : ‘Chez nous, les détaillants sont plus ouverts aux nouvelles technologies.’ Parmi les développements technologiques les plus fréquemment appliqués en Grande-Bretagne, il y a l’intelligence artificielle. Le détaillant Morrisons l’utilise pour l’approvisionnement de sa chaîne de quasi 500 supermarchés. Via un algorithme développé sur base des données commerciales de chaque magasin sur trois ans et combiné aux données climatiques, le détaillant britannique peut prédire avec une grande précision quels produits seront nécessaires et où. Résultat ? Le client trouve toujours le bon produit, présent en quantité suffisante, au bon endroit. ‘Et en cas de mauvaise estimation du niveau de stock, le système apprend de ses erreurs et rectifie le tir. Cela a généré une augmentation du chiffre d’affaires de 5 %’, indique encore Cate Trotter.
Les données valent de l’or
Les données sont un important vecteur de croissance, poursuit-elle. ‘Les détaillants, et a fortiori ceux qui sont également actifs en ligne, en savent toujours plus sur leurs clients. Ils connaissent désormais leurs préférences et peuvent donc mieux anticiper leurs désirs.’ Les bons détaillants utilisent les informations récoltées dans la sphère en ligne pour déterminer ce qui se passe dans le magasin physique en matière d’assortiment, de services et même d’emplacement. Cela va tellement loin que les données peuvent amener du ‘brand blending’. En d’autres termes, la marque et les services sont élargis. Trotter cite un exemple pour étayer son propos : ‘Dans un premier temps, la start-up américaine Peloton avait lancé un vélo de spinning à usage domestique. Mais grâce aux commentaires des clients (lisez « données », réd.), ils se sont rendu compte que les clients n’avaient pas seulement besoin d’un vélo de spinning, mais aussi de cours de fitness. Ils peuvent désormais suivre un cours en livestream, comme s’ils se trouvaient physiquement dans un centre de fitness. Le consommateur achète le vélo et paie du même coup son accès aux cours. La formule fait un tabac !’
Pas de succès sans innovation
L’importance des données n’est plus à démontrer. Ce sont elles qui permettent de savoir ce qu’il faut savoir. Et qui sont à la base des innovations. Le concept de Peloton en est la preuve flagrante. ‘Les détaillants ne survivront pas s’ils n’innovent pas’, affirme résolument notre interlocutrice. Selon elle, le monde du détail n’a jamais évolué aussi vite. ‘Si jadis vous pouviez encore scruter la concurrence et suivre leurs innovations, aujourd’hui ce n’est plus possible. Il faut faire la course en tête. Etre le premier sur la balle. A défaut, vous arrivez trop tard. Vous devez expérimenter, apprendre de vos erreurs et faire mieux la fois suivante.’ Toute innovation repose sur une bonne idée. Mais l’idée seule ne suffit pas, ajoute encore Trotter. ‘C’est aussi une question de timing. Instaurer la bonne innovation au bon moment. Car il faut aussi que le client soit prêt à l’accueillir.’
Plus d’activités en ligne, moins de magasins physiques
Un ‘flagship store’ ou ‘magasin porte-drapeau’ est un magasin destiné à tester les innovations. Mais d’après Trotter, ce type de magasin sert surtout de vitrine à la marque dont il veut accroître la notoriété (‘brand awareness’). ‘Il faut informer le client de l’existence de la marque.’ Elle estime que même si un tel magasin est un complément précieux au commerce en ligne, les détaillants vont très bientôt pouvoir opérer sans points de vente physiques. ‘Je m’attends à ce qu’ils deviennent inutiles. En tout cas, ils ne seront plus nécessaires en surnombre comme c’est le cas maintenant. Les détaillants pourront se contenter de trois à dix magasins par pays, au lieu des centaines de points de vente qui existent souvent aujourd’hui.’ L’experte explique que le magasin ‘de brique et de verre’ n’existera bientôt plus que pour entretenir le lien avec le consommateur. ‘Le magasin offre de la visibilité, c’est certain. Et il met le consommateur en confiance, notamment à l’égard de la marque.’ Ce développement vaut pour tous les secteurs, y compris le secteur alimentaire. ‘Aux Etats-Unis, ils s’attendent à ce que d’ici cinq à sept ans, près de 70 % des consommateurs fassent leurs achats en ligne. C’est tout à fait possible, car on est en train de trouver la réponse aux points épineux qui subsistent encore actuellement, comme la livraison des achats à un prix acceptable.’
Stations-service – hub pour détaillants en ligne
Toujours d’après Trotter, les stations-service peuvent également jouer un rôle là-dedans. ‘Si j’exploitais une station-service, je voudrais être un point de collecte pour les détaillants en ligne. Un endroit où les clients pourraient venir chercher leurs achats et où ils pourraient essayer les vêtements et chaussures achetées en ligne.’ A condition évidemment, ajoute-t-elle, que la station modifie son aménagement intérieur. ‘Pour essayer des vêtements, il faut un endroit accueillant, chaleureux et propre. Et il faut prévoir certaines commodités, comme une cabine d’essayage. Il faut aussi que le client puisse immédiatement renvoyer à l’expéditeur le vêtement qui ne convient pas.’ Ce que Cate Trotter essaie de dire, c’est qu’il faut que l’expérience soit profitable au client. ‘Il faut que le service soit optimal, que la situation géographique convienne au plus grand nombre et que le prix soit raisonnable. Tout doit être à l’avenant. Il ne suffit pas de compter sur des collaborateurs bien formés. Et oui, il faudra parfois serrer les prix. Assumer une légère perte et la récupérer en augmentant la marge sur d’autres produits ou services où le prix à moins d’importance car vous êtes le seul à les proposer.’ Elle invite aussi les stations-service à se renouveler. ‘Il est grand temps. Saisissez votre chance. N’attendez pas, sinon votre concurrent va vous couper l’herbe sous le pied. Aujourd’hui, vous ne pouvez plus végéter dans le peloton. Vous devez faire la course en tête !’